Je repense à l’une des allégories du Spleen de Paris, « Chacun sa chimère », où l’on croise deux pèlerins parasités par une « bête féroce » qui leur fléchit le dos. Ne sachant ni d’où ils viennent ni où ils vont, ils sont parfaitement inaptes à penser leur condition, tout comme, peut-être, ces fameux troglodytes platoniciens, vivant dans cette autre allégorie de la vérité qui aspire à épouser le soleil comme une ombre.

Ma chimère à moi, c’est la littérature. Elle puise sa force dévorante dans un vague éblouissement, dans une promesse qui pèse plus lourd que les bêtes de Baudelaire. Les pèlerins et moi ployons sous le poids nourricier de notre fardeau, car il nous est plus léger que l’insoutenable, que l’absence de toute charge – la liberté absolue, en tant que telle. L’insoutenable, c’est lorsqu’il ne reste rien à soutenir, lorsqu’on porte ce rien même sur nos épaules – c’est l’écriture telle qu’elle se donne à moi et, je crois, à bien d’autres : errante et sans mire. Impensable.

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