Écrire, c’est raturer, endiguer l’intarissable flot du λόγος.
*
Les vocables ne cessent de remuer, même lorsqu’on croit les avoir amarrés à la feuille gorgée d’encre.
*
Nul répit ne semble concevable : dès qu’il se trouve en présence d’un stylet, le sujet est écartelé entre le désir de mettre un terme à son babil interne et le besoin de le pétrifier et de le pétrir, c’est-à-dire de le transcrire.
*
Le texte est un gisant dont le corps ne cesse de gigoter.
*
Dukkha. C’est l’une des quatre nobles vérités du bouddhisme, l’ineffaçable trait d’union entre existence et souffrance, qui signifie ceci : faute de ce sentiment d’inassouvissement, je n’aurais pas lieu d’être. D’où l’exigence de méditer. Méditer en vue d’élaguer le fil de cette parole qui nous lie pieds et poings, qui se tisse impunément de soi-même et qui transperce le silence – l’inaccessible abri.
*
Écrire, c’est ébrécher la parole. Amputer le monologue intérieur qui parfois se dévide en trois ou mille langues à la fois. Le perforer afin de faire advenir une parole autre, une parole à même de tenir debout en dépit de tout. En dépit de ceci.
*
Tenir la distance.
